La géo-ingénierie solaire pourrait aider à lutter contre le changement climatique

Par Kevin Ritchart.

Pendant qu'il est agréable pour certains d'entre nous de passer les longues journées d’été à profiter du soleil, les scientifiques explorent toutefois des moyens pour empêcher une partie de ces rayons d’atteindre l’atmosphère de la Terre. Cette année, les Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine ont publié un rapport exhortant le gouvernement des États-Unis à explorer la géo-ingénierie solaire comme un moyen de lutter contre le changement climatique.

Le rapport recommande au gouvernement fédéral de dépenser jusqu’à 200 millions de dollars au cours des cinq prochaines années pour mettre au point un programme national de recherche visant à étudier la viabilité de cette technologie pour contribuer à refroidir la planète.

Qu’est-ce que la géo-ingénierie solaire ?

La géo-ingénierie solaire consiste à renvoyer une plus grande partie de l’énergie du Soleil dans l’espace au moyen de plusieurs techniques, notamment l’injection d’aérosols dans l’atmosphère.

Des scientifiques ont réalisé des modèles informatiques permettant de prévoir les conséquences de la géo-ingénierie solaire sur le climat de la Terre si le projet aboutissait avec succès, mais sans recherche supplémentaire, les conclusions potentielles tirées des études de modélisation sont purement hypothétiques.

Comment cela fonctionne-t-il ?

Le rapport des Académies nationales des sciences, de l’ingénierie et de la médecine présente trois stratégies de géo-ingénierie solaire que les scientifiques considèrent comme des options viables : l’injection stratosphérique d’aérosols, l’éclaircissement des nuages marins et l’amincissement des cirrus.

L’injection stratosphérique d’aérosols (SAI, stratospheric aerosol injection) augmente le nombre de petites particules réfléchissantes dans la stratosphère pour dévier et renvoyer plus de rayons du soleil dans l’espace. Les modèles réalisés en imitant une éruption volcanique indiquent que la SAI peut provoquer un refroidissement de la planète. Il existe cependant une incertitude sur les éventuelles répercussions néfastes de l'utilisation des aérosols dans le cadre de la géo-ingénierie solaire sur la chimie atmosphérique et sur le climat.

L’éclaircissement des nuages marins (MCB, marine cloud brightening) envoie des particules dans la basse atmosphère (la plus proche de la surface de la Terre) pour augmenter la réflectivité des nuages bas au-dessus de certaines régions de nos océans. L’inconvénient potentiel de cette approche est la compréhension limitée de l’interaction entre les aérosols et les nuages. Pour le moment, les chercheurs n’ont pas réussi à modéliser le MCB, car les principaux processus à observer se déroulent à une échelle si petite qu’ils ne peuvent pas être observés dans les modèles climatiques mondiaux.

L’amincissement des cirrus (CCT, cirrus cloud thinning) est un processus qui consiste à modifier les propriétés des nuages de glace à haute altitude pour augmenter la transparence de l’atmosphère au rayonnement thermique. Les scientifiques disposent de connaissances limitées sur les propriétés des cirrus et sur ce qui peut être fait pour les modifier. Les données provenant des modélisations climatiques utilisant le CCT fournissent des résultats mitigés.

"Des experts craignent que les protections accordées aux régions les plus pauvres soient mises de côté une fois la recherche lancée."

L’air là-haut

Une équipe de chercheurs de l’université Harvard planifie ce qu’elle a appelé “expérience de perturbation stratosphérique contrôlée” (SCoPEx, Stratospheric Controlled Perturbation Experiment), qui constituera l’une des premières études significatives dans le cadre du travail sur le terrain dans le domaine de la géo-ingénierie.

L’objectif du projet est d’envoyer un ballon à haute altitude dans la stratosphère, où il libérera de petites quantités de poussière minérale dans l’air. En observant comment les petites quantités de particules réagissent lorsqu’elles quittent le ballon, les chercheurs pensent qu’ils pourront mieux comprendre le comportement des aérosols à haute altitude dans l’atmosphère.

Bien que les chercheurs de la SCoPEx aient répété à maintes reprises qu’il s’agit d’un projet de petite envergure et que les particules seront libérées de la manière la plus sûre possible, leurs efforts n'ont pas connu le succés escompté de la part de groupes environnementaux.

Quels sont les risques ?

Le rapport reconnaît les risques qu’implique la géo-ingénierie, qui sont devenus l’un des principaux points de controverse de l’élaboration des stratégies liées au changement climatique.

L’un des principaux risques est qu’un effort de géo-ingénierie solaire à grande échelle pourrait perturber les schémas météorologiques régionaux, par exemple en modifiant le comportement d’une mousson ou d'un ouragan.

Une autre préoccupation concerne l’éventuelle diminution de la pression publique pour réduire les émissions de gaz à effet de serre en conséquence de la mise en œuvre de la géo-ingénierie solaire. Les experts avertissent que nous devons continuer de nous concentrer sur la réduction de notre empreinte carbone partout dans le monde, que la recherche aboutisse à un plan qui sera mis en œuvre ou non.

Dans le cas contraire, les objectifs de l’Accord de Paris de 2016 seraient mis en péril. Selon l’Accord de Paris, tous les pays impliqués doivent déterminer, planifier et faire des rapports réguliers sur les mesures prises pour atténuer les effets du réchauffement climatique.

Enfin, si nous nous lancions dans cet effort pour réfléchir la lumière du soleil pendant un certain temps, serions-nous ensuite capables d’arrêter ? L’arrêt du processus pourrait provoquer un niveau inacceptable de réchauffement rapide qui mettrait en danger les hommes et l’environnement.

L’argent compte

La géo-ingénierie solaire a reçu le soutien des deux partis du Congrès des États-Unis, qui a attribué 4 millions de dollars à la National Oceanic and Atmospheric Administration (NOAA) en 2019 pour réaliser des recherches sur la technologie. La NOAA et la National Aeronautics and Space Administration (NASA) ont toutes deux aidé à financer le rapport de 2021 sur la géo-ingénierie solaire avec le département de l’Énergie des États-Unis.

Les promoteurs de la recherche décrite dans le rapport estiment que l’utilisation de fonds publics contribuera à la transparence et à la responsabilité en créant des règles claires qui définiront quand et comment réaliser les tests et recueillir les données.

Les critiques, en revanche, ne pensent pas que les mécanismes de protection détaillés dans le rapport seront suffisants. Des experts craignent que les protections accordées aux régions les plus pauvres soient mises de côté une fois la recherche lancée.

Une approche mesurée

TLe rapport décrit également un effort considérable de recherche transdisciplinaire, de gestion de la recherche et de mobilisation importante des parties prenantes, ce qui s’éloigne des programmes typiques de recherche sur le climat. Les domaines suivants seront l’objet d’une surveillance étroite lors de la concrétisation de la recherche :

Contexte et objectifs. On espère que tous les pays s’engageront sérieusement vis-à-vis des résultats de la recherche sur la géo-ingénierie solaire, en donnant leur avis sur les conséquences sociales et environnementales, en aidant à développer les scénarios de modélisation et en décrivant des stratégies de prise de décision lorsque la meilleure voie à suivre n’est pas claire.

Impact et dimensions techniques. Cela inclut le fait de mieux comprendre les étapes qui interviennent dans l’injection de particules dans l’atmosphère, l’impact possible sur l’écologie et le climat à l'échelle mondiale, ainsi que les défis techniques associés à la progression efficace de l’effort de géo-ingénierie solaire.

Dimensions sociales. Les chercheurs veulent être sensibles à la perception publique de leur travail tout en encourageant la coopération plutôt que le conflit.

Au fil de l’avancée de la recherche, des décisions seront prises concernant la portée de l’effort global tout en veillant à ce que le processus progresse efficacement et de façon sociétalement responsable. .

Quelles sont les prochaines étapes ?

Le concept de géo-ingénierie solaire n’en est qu’à ses balbutiements, et certaines questions se posent à savoir quelle est la quantité d’informations nécessaires pour prendre une décision éclairée sur sa mise en œuvre à grande échelle ? Les bénéfices potentiels pour le monde dans son ensemble l’emporteront-ils sur les risques ?

Kevin Ritchart est rédacteur de contenu pour Thermo Fisher Scientific.

Ciel bleu avec des nuages