La science au service du développement durable

Par Kylie Wolfe.

La viande constitue un élément de base de l’alimentation mondiale. Que votre préférence se porte sur le poulet, le bœuf, les fruits de mer ou l’absence totale de viande, vous en trouverez dans la plupart des congélateurs, des épiceries et des cantines. Cependant, compte tenu de la forte demande, les conséquences environnementales de la production de viande suscitent des inquiétudes.

C’est pourquoi les scientifiques ont cherché des moyens plus durables de mettre de la viande dans les assiettes : certains se sont tournés vers les options végétales et d’autres vers les viandes cultivées. Cette dernière, une innovation en plein essor, est un véritable produit carné cultivé à partir de cellules animales réelles.

“Si les animaux ont pu représenter dans le passé la solution technologique privilégiée pour produire de la viande, dans le monde moderne, cela devient vraiment un problème, qui ne fera que s’aggraver”, a déclaré Claire Bomkamp, scientifique principale au Good Food Institute. Elle fait notamment référence à des problématiques telles que le changement climatique ou la résistance aux antibiotiques. L’objectif est de permettre aux protéines alternatives de contribuer à rétablir l’équilibre. Au lieu de changer notre façon de manger et ce que nous mangeons, les scientifiques travaillent sur des substituts viables.

Modernisation de la production de viande

Les préoccupations environnementales concernant la viande conventionnelle sont, en partie, liées aux émissions de gaz à effet de serre. Le bétail, par exemple, représente près de 14,5 % de ces émissions à l’échelle mondiale.1 Par conséquent, alors que la population et la demande ne cessent d’augmenter, les préoccupations en matière de durabilité apparaissent.

L’utilisation des ressources est un autre problème lié à la production traditionnelle de viande et fait partie du débat sur le changement climatique. Les bovins ont besoin de vastes étendues de terre pour se déplacer, ainsi que de nourriture et d’eau en abondance, afin de produire une quantité limitée de viande. Les poules ont également besoin de grandes quantités d’eau pour produire un seul œuf, 200 litres, pour être précis. Pour y remédier, une entreprise appelée Eat JUST fabrique des œufs à base de plantes en utilisant 98 % moins d’eau et 86 % moins de terres, tout en émettant 93 % moins de dioxyde de carbone.2

“La viande ne va pas disparaître. Alors comment pouvons-nous fabriquer ces produits dont raffolent les consommateurs sans les inconvénients liés à la viande animale produite de manière conventionnelle ?”, a déclaré Mme Bomkamp. Des organisations à but non lucratif comme le Good Food Institute et des entreprises comme Eat JUST s’efforcent de trouver une réponse à cette question, en faisant appel à la science.

Claire Bomkamp explique que si la viande cultivée est produite à l’aide de sources d’énergie durables, comme l’énergie solaire et éolienne, son impact environnemental en termes d’émissions de gaz à effet de serre est assez similaire à celui du tofu ou du poulet. Même lorsqu’elle est produite à l’aide d’énergie conventionnelle, la viande cultivée serait plus respectueuse de l’environnement que le bœuf.3

“La viande ne va pas disparaître. Alors comment pouvons-nous fabriquer ces produits dont raffolent les consommateurs sans les inconvénients liés à la viande animale produite de manière conventionnelle ?”

Création d’alternatives plus vertes

La production de viande cultivée commence par une collecte de cellules animales. Les scientifiques utilisent ces cellules pour constituer des lignées cellulaires qui peuvent être ajoutées à un milieu riche en nutriments contenant des acides aminés, des vitamines et d’autres facteurs de croissance. Cette combinaison est ensuite placée dans un bioréacteur où, dans les bonnes conditions, les cellules se développent et se multiplient jusqu’à ce qu’elles soient récoltées.4 Les tissus musculaires et adipeux comestibles qui en résultent peuvent être transformés en hamburgers, saucisses et autres produits carnés.

Cette méthode s’apparente au bouturage des plantes, a expliqué Mme Bomkamp, qui consiste à prélever une partie d’une plante pour en faire pousser une autre. Même si cette technique de propagation diffère de la culture cellulaire, elle constitue une représentation simpliste du processus de culture de la viande. Au niveau cellulaire, la viande cultivée et la viande conventionnelle sont identiques. En poursuivant les recherches, le goût, la texture et, espérons-le, le coût final pourront l’être aussi.

Selon le type de viande produit par une entreprise, le processus global, de l’échantillon de cellule au produit fini, prend entre deux et huit semaines. Ce procédé est considéré comme plus efficace et plus respectueux de l’environnement que l’agriculture au sens traditionnel, mais d’autres études sont nécessaires pour en déterminer l’ampleur. Les scientifiques pensent également que la viande cultivée pourrait contribuer à réduire les cas de maladies d’origine alimentaire, car elle sera élevée dans des conditions stériles où le risque de contamination est réduit au minimum.

En mars 2019, la Food and Drug Administration (FDA) et le département de l’Agriculture des États-Unis (USDA) ont accepté de superviser certaines étapes du processus de production de viande cultivée. Pour le bétail et la volaille, la FDA supervise la collecte, la croissance et la différenciation des cellules. L’USDA supervise quant à lui la récolte, la transformation, le conditionnement et l’étiquetage. Pour les autres produits carnés, la FDA gère chaque étape.5 Leur objectif commun est de mettre en œuvre les réglementations en matière de sécurité alimentaire et de garantir un étiquetage précis pour le public.

En décembre 2020, l’Agence alimentaire de Singapour a approuvé un produit à base de poulet cultivé par des cellules. Il s’agit de la première viande cultivée dont la vente a été autorisée dans le monde.6

Évaluation de la durabilité et du succès

Selon Mme Bomkamp, le succès à court terme de cette industrie implique de donner une alternative à ceux qui aiment la viande, mais n’aiment pas ses conséquences environnementales. Cela suppose également de créer un produit ayant le même goût et la même texture que la viande traditionnelle, mais avec une empreinte environnementale plus faible. Alors que nous entrons dans le futur de la production de viande, les scientifiques veulent trouver un équilibre entre ce qui est bon pour les gens et ce qui est bon pour la planète. Toutefois, cela pourrait prendre du temps.

“Allons-nous réussir à rendre possible l’achat de ces produits en magasin ? C’est bien sûr ce que nous espérons”, a déclaré Mme Bomkamp. “Mais prédire les échéances dès maintenant serait comme essayer de lire l’avenir dans une boule de cristal.”

Outre la nécessité de consolider les données scientifiques et de faire évoluer la production afin de proposer des viandes savoureuses, respectueuses de l’environnement et rentables, l’acceptation par le public peut également ralentir la commercialisation des protéines alternatives et allonger leur délai de généralisation.

Selon une étude publiée dans Frontiers, 29,8 % des participants à l’enquête ont déclaré être susceptibles d’acheter de la viande cultivée en milieu cellulaire. Les 70,2 % de participants restants étaient soit peu susceptibles, soit seulement un peu susceptibles de le faire.7 Une plus grande transparence de la part des entreprises et des agences gouvernementales peut contribuer à sensibiliser à la viande cultivée, mais il appartient aux consommateurs de décider si les protéines alternatives sont les bienvenues ou non dans leur assiette.

L’avenir de la viande en question

Il est possible de réaffecter les ressources et de réduire potentiellement l’impact de l’industrie de la viande sur le changement climatique, mais le chemin à suivre reste à déterminer. Les scientifiques, les législateurs et les régulateurs espèrent trouver une approche plus respectueuse de l’environnement et répondant à la demande du public, même si cela implique de modifier notre définition des protéines.

“Et si, en plus de passer à la viande cultivée, nous faisions preuve de sérieux vis-à-vis des terres ainsi libérées, qui ne sont plus utilisées pour la production de nourriture ? Et si nous utilisions ces terres pour le réensauvagement ou d’autres activités positives pour le climat ?” a déclaré Mme Bomkamp. “Nous devrions vraiment réfléchir à la façon de tirer parti de ce genre de synergies.”

Des recherches supplémentaires sont nécessaires pour comprendre l’importance environnementale de la production de viande cultivée. Des études sur l’eau, l’énergie et l’utilisation des sols permettront de mieux comprendre les protéines alternatives et leur rôle dans l’avenir de l’industrie alimentaire.

Kylie Wolfe est rédactrice de contenu pour Thermo Fisher Scientific.

Références

1.    Gerber, P.J., Steinfeld, H., Henderson, B., Mottet, A., Opio, C., Dijkman, J., Falcucci, A. and Tempio, G. (2013). Tackling climate change through livestock. Food and Agriculture Organization of the United Nations. https://www.fao.org/3/i3437e/i3437e.pdf

2.    No author listed. (2021). How do we make eggs from plants? Eat JUST. https://www.ju.st/learn

3.    Odegard, I., Sinke, P. (2021). LCA of cultivated meat. Future projections for different scenarios. CE Delft. https://www.cedelft.eu/en/publications/2610/lca-of-cultivated-meat-futureprojections-for-different-scenarios

4.    Bomkamp, C., Swartz, E. (2022). The science of cultivated meat. Good Food Institute. https://gfi.org/science/the-science-of-cultivated-meat/

5.    No author listed. (2020).  Food made with cultured animal cells. Food and Drug Administration. https://www.fda.gov/food/food-ingredients-packaging/food-made-cultured-animal-cells

6.    Huling, R. (2020). World’s first approval of cultivated meat sales. Good Food Institute. https://gfi.org/blog/cultivated-meat-singapore/

7.    Bryant, C., Szejda, K., Parekh, N., Deshpande, V., and Tse, B. (2019). A survey of consumerperceptions of plant-based and clean meat in the USA, India, and China. Frontiers. https://www.frontiersin.org/articles/10.3389/fsufs.2019.00011/full

Viande
Reference