Développement d’organes de remplacement dans une boîte de culture

Par la Dr Hue-Tran Hornig-Do.

Que sont les mini-organes et comment sont-ils créés ?

Est-ce que la production de versions miniatures d’organes dans une boîte semble être de la science-fiction ? Grâce aux avancées de la technologie des cellules souches et de la bio-ingénierie, les scientifiques sont désormais en mesure de cultiver artificiellement des organoïdes aux propriétés semblables à celles des organes. Voici mon expérience lorsque j’ai vu un mini-organe pour la première fois de ma vie : j’ai été à la fois émerveillée et surprise lorsque j’ai regardé au microscope l’amas de cellules qui battaient comme de vraies cellules. Elles palpitent, et à un rythme envoûtant. C’est incroyable ! “Qu’est-ce que c’est ?” ai-je demandé avec enthousiasme à ma collègue qui me présentait le dernier exploit de son étude. “Ce sont des mini-cœurs humains, je les crée depuis trois mois.” explique ma collègue, une biologiste spécialisée dans les cellules souches et dont le rêve est de guérir l’insuffisance cardiaque à l’aide de ces fameuses cellules souches.

Heart microchamber generated from human iPS cells

Figure 1 : Microchambre cardiaque générée à partir de cellules SPi humaines ; cardiomyocytes (en rouge), myofibroblastes (en vert), noyaux cellulaires (en bleu) ; source : Zhen Ma, Université de Californie, Berkeley.

Avec un diamètre d’environ 1 ou 2 millimètres, les mini-cœurs, aussi nommés organoïdes cardiaques, observés au microscope, n’étaient pas plus grands que des graines de sésame. Ils contenaient les principaux types de cellules présents à ce stade du développement et présentaient une chambre nettement définie qui battait de 60 à 100 fois par minute, soit le même rythme que le cœur d’un embryon au même âge. Les organoïdes sont des ensembles tridimensionnels de cellules qui reproduisent la structure, la fonction, la particularité des gènes et d’autres caractéristiques du tissu d’origine.1 Ils sont issus de cellules souches qui ont la capacité de se développer pour devenir différents types de cellules dans le corps.

Pour parvenir à obtenir des cellules souches, ma collègue a isolé des cellules de peau provenant de différents donneurs et les a reproduites en cellules souches polyvalentes appelées CSPi (cellules souches pluripotentes induites).2 Les CSPi ont ensuite été différenciées en cardiomyocytes et autres cellules à partir desquelles un cœur humain peut se développer en y introduisant divers facteurs de croissance fondamentaux, des substances de signalisation et des matrices.3C’était comme un miracle : les cellules souches s’étaient organisées en une structure tridimensionnelle qui ressemblait au cœur. Juste comme ça. Par contre, mes mini-cœurs ne peuvent pas pomper de sang, pas encore.” A ajouté ma collègue en souriant. Depuis lors, la recherche sur les cellules souches a évolué à un rythme effréné et les chercheurs ont pu produire des organoïdes ressemblant fortement au cerveau, aux reins, aux poumons, à l’intestin, à la rétine, à l’estomac et à bien d’autres organes encore.1

Que nous apprend la culture d’organoïdes ?

La création d’organoïdes à partir des cellules souches d’un patient permet aux scientifiques d’étudier la formation et la croissance des organes, ce qui leur offre de nouvelles informations sur le développement humain et les processus pathologiques. Grâce aux organoïdes, il est possible d’étudier la disposition et les interactions complexes des cellules dans un espace tridimensionnel, chose impossible avec la plupart des autres modèles expérimentaux.

Les mini-organes se sont révélés prometteurs à titre de nouveaux modèles de découverte et de développement de médicaments, où de nombreux composants doivent être testés sur des cellules afin de déterminer leur mode d’action. Pour ces essais, l’industrie pharmaceutique s’est jusqu’à présent appuyée sur des échantillons d’animaux et des lignées cellulaires humaines, qui présentent peu de similitudes avec les tissus normaux ou malades. L’utilisation d’organoïdes nous permet de savoir comment les organes d’un individu réagissent à différents médicaments ou traitements. Ceci pourrait conduire à des thérapies plus ciblées et plus effectives, adaptées aux besoins uniques de chaque patient. Enfin, l’utilisation d’organoïdes permet de remédier à certains problèmes éthiques, en remplaçant par exemple l’expérimentation animale.

Est-il possible d’utiliser des organoïdes pour cultiver des tissus destinés à la transplantation ?

Depuis quelque temps, la médecine régénérative est confrontée à des problèmes tels que la pénurie de donneurs, le rejet immunitaire et des questions éthiques, ce qui motive la recherche d’alternatives.

"L’utilisation de cellules souches pour la réparation ou le remplacement de tissus et d’organes endommagés ou malades est une alternative prometteuse."

Les organoïdes peuvent être rapidement produits in vitro et préservent la structure 3D, la fonction, l’hérédité et la spécificité phénotypique du tissu d’origine. Tous ces avantages sont essentiels pour les tissus ou organes transplantables, immunitaires et fonctionnels, ce qui laisse sans aucun doute entrevoir une nouvelle ère pour la médecine régénérative. En effet, des organoïdes d’intestins,4, de foies5, de reins6 et de pancréas de modèles murins7,8 ont été transplantés chez des souris avec succès et les fonctions des organes ont été restaurées dans des conditions expérimentales. Qui plus est, au Japon, l’utilisation de la transplantation de cellules cornéennes dérivées de CSPi a déjà débuté dans le cadre d’un essai.9 Il reste néanmoins un long chemin à parcourir avant que les organoïdes puissent servir d’organes de remplacement autologues à l’avenir.

Quels sont les défis à venir avant l’application clinique ?

Les organoïdes sont encore trop petits et un écart subsiste toujours entre leurs fonctions et celles des tissus normaux. Dès que les organoïdes se développent jusqu’à un certain point, les cellules centrales ne peuvent plus être correctement approvisionnées en nutriments, et l’élimination des déchets métaboliques dans les cellules devient problématique, dans la mesure où la plupart des organoïdes sont dépourvus de cellules vasculaires. En effet, l’organisation vasculaire des organoïdes de demain soulève un défi majeur. Il faudra aussi prévoir un système d’innervation adapté pour les futurs organoïdes. En ce moment, les scientifiques développent diverses méthodes pour intégrer d’autres systèmes cellulaires, tels que le système vasculaire, au sein des organoïdes. Pour conclure, si les organoïdes offrent aux chercheurs de nombreux avantages et possibilités, ils comportent néanmoins des limites et ne peuvent pas encore remplacer pleinement d’autres systèmes expérimentaux.

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Références (H3)

1. Clevers H. Modeling development and disease with organoids (Modélisation du développement et de la maladie à l’aide d’organoïdes). Cell. (2016) 165:1586–97.

2. Takahashi K, Tanabe K, Ohnuki M, Narita M, Ichisaka T, Tomoda K, et al. Induction of pluripotent stem cells from adult human fibroblasts by defined factors (Extraction de cellules souches pluripotentes à partir de fibroblastes humains adultes par des facteurs définis). Cell. (2007) 131:861–72.

3. Cyganek L, Tiburcy M, Sekeres K, Gerstenberg K, Bohnenberger H, Lenz C, et al. Deep phenotyping of human induced pluripotent stem cell-derived atrial and ventricular cardiomyocytes (Phénotypage approfondi des cardiomyocytes auriculaires et ventriculaires dérivés de cellules souches pluripotentes induites humaines). JCI Insight. (2018) 3:e99941

4. Yui, S. et al. Functional engraftment of colon epithelium expanded in vitro from a single adult Lgr5+ stem cell (Greffe fonctionnelle de l’épithélium du côlon développé in vitro à partir d’une unique cellule souche adulte Lgr5+). Nat. Med. (2012) 18:618–623.

5. Huch, M. et al. In vitro expansion of single Lgr5+ liver stem cells induced by Wnt-driven regeneration (Développement in vitro de cellules souches hépatiques uniques Lgr5+ induites par une régénération de la voie Wnt). Nature. (2013) 494:247–250.

6. Toyohara T, Mae S, Sueta S, Inoue T, Yamagishi Y, Kawamoto T, et al. Cell therapy using human induced pluripotent stem cell-derived renal progenitors ameliorates acute kidney injury in mice (Thérapie cellulaire utilisant des progéniteurs rénaux dérivés de cellules souches pluripotentes humaines améliorant les lésions rénales aiguës chez la souris). Stem Cells Transl Med. (2015) 4:980–92.

7. Georgakopoulos, N. et al. Long-term expansion, genomic stability and in vivo safety of adult human pancreas organoids (Développement à long terme, stabilité génomique et sécurité in vivo des organoïdes de pancréas humain adulte). BMC Dev. Biol. (2020) 20: 4.

8. Yoshihara E, O’Connor C, Gasser E, Wei Z, Oh TG, Tseng TW, et al. Immune-evasive human islet-like organoids ameliorate diabetes (Organoïdes humains immuno-évasifs en forme d’îlots améliorant le diabète). Nature. (2020) 586:606–11.

9. Hayashi R, Ishikawa Y, Sasamoto Y, Katori R, Nomura N, Ichikawa T, et al. Co-ordinated ocular development from human iPS cells and recovery of corneal function (Développement oculaire coordonné à partir de cellules SPi humaines et rétablissement de la fonction cornéenne). Nature. (2016) 531:376–80.

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